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L'infaillibilité du conclave

Certains sédévacantistes prétendent que Jean XXIII et Paul VI sont des antipapes, parce qu'ils auraient - selon eux - enseigné des hérésies dans l'exercice de leur magistère. Or, outre le fait que ces deux papes n'aient déterminé aucune doctrine irrévocable dans le cadre de Vatican II, les conclaves réguliers sont infaillibles ; donc il n'est pas possible qu'un conclave valide aboutisse à l'élection d'un antipape. Cette doctrine a été rappelée lors du concile de Constance, avec la condamnation des hérésies de Jean Huss.

 

Mais une question demeure : comment les catholiques savent-ils si tel ou tel conclave est infaillible ? La réponse est simple : ils le savent lorsque le pape en question est accepté pacifiquement par l'Église universelle ; c'est l'enseignement du magistère ordinaire universel. L'Église étant indéfectible, il est impossible que l'unanimité morale de la hiérarchie et des fidèles reconnaissent un faux chef ; car la tête ne peut pas se séparer du corps. Lorsque presque tout le peuple catholique a reconnu le pape élu, il est certain que ce dernier est légitime.

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L'enseignement du cardinal Billot

Le cardinal Billot (1831-1946), discourant de la question de savoir

si un pape pouvait sombrer dans l'hérésie à titre de docteur privé,

déclara ceci :

 

« Finalement, quoi que l’on pense de la possibilité

ou de l’impossibilité d’une telle hypothèse, on doit tenir fermement

comme absolument certain et entièrement hors de doute

que l’adhésion de toute l’Église sera toujours et à elle seule

le signe infaillible de la légitimité de la personne du pape

et donc aussi de toutes les conditions requises

pour la légitimité proprement dite. Point n’est besoin d’en chercher

longtemps la preuve : nous la trouvons immédiatement

dans la promesse de l’infaillible Providence du Christ :

“Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle”,                                           Le cardinal Billot

et “Voici que je suis avec vous tous les jours”.

Car l’adhésion de l’Église à un pseudo-pape serait la même chose que son adhésion à une fausse règle de foi, puisque le pape est la règle vivante de foi que l’Église doit suivre et que, en fait, elle suit toujours. Dieu peut permettre que parfois la vacance du Siège apostolique se prolonge longtemps. Il peut encore permettre qu’un doute s’élève sur la légitimité d’un élu. Mais il ne saurait permettre que toute l’Église reconnût comme pape celui qui ne le serait ni vraiment ni légitimement. Ainsi donc, dès l’instant que le pape est accepté par l’Église et qu’il est uni à elle comme la tête au corps, on ne peut élever plus longtemps de doute sur un vice possible de l’élection ou l’absence possible d’une condition nécessaire de la légitimité. Car cette adhésion de l’Église guérit dans sa racine [“sanatio in radice”] toute faute commise lors de l’élection, et montre infailliblement l’existence de toutes les conditions requises. »

(Billot, n° 950)

 

 

Dans cette citation, le cardinal Billot dit bien que le Pape, lorsqu'il a été accepté pacifiquement par toute l'Église, est légitime avec certitude ; il précise que « toutes les conditions requises pour la légitimité sont satisfaites ». Cette affirmation constitue une réfutation très claire de la thèse hérétique de Mgr Guérard des Lauriers, selon laquelle l'élu du conclave peut poser un obstacle à la réception de l'autorité pontificale au stade de l'acceptation de l'élection. En vérité, non seulement il n'est pas possible qu'un antipape soit élu lors d'un conclave valide, mais de surcroît, lorsqu'un élu a été accepté pacifiquement par l'Église universelle, il ne peut pas être un antipape : sa légitimité est certaine ; or, Mgr Guérard des Lauriers appliquait sa théorie à S.S. le Pape Paul VI, accepté par toute l'Église.

L'enseignement du concile de Constance

 

Le concile de Constance, en sa version définitive

approuvée par le Pape Martin V,

a condamné les erreurs de Jean Huss et de Wyclif,

dont deux qui niaient l'infaillibilité du conclave ;

or, lorsque l'Église condamne des erreurs,

elle enseigne des vérités en négatif,

c'est-à-dire qu'elle enseigne les vérités

opposées aux erreurs qu'elle condamne.

 

Voici les deux erreurs en cause :

 

« [Les partisans de Wyclif] croient-ils

que le pape canoniquement élu,

qui a vécu quelque temps,

après avoir exprimé son propre nom,

est le successeur du bienheureux Pierre,

possédant l'autorité suprême sur l'Église de Dieu ? »

(24ème erreur de Wylcif).

 

« Ce n'est pas parce que les électeurs, ou une grande partie d'entre eux, ont acclamé telle personne d'après l'observation des hommes, que cette personne est légitimement élue ; ce n'est pas pour cela qu'il est le vrai et manifeste successeur et vicaire de l'apôtre Pierre, ou dans l'office ecclésiastique d'un autre apôtre. Par conséquent, si les électeurs ont bien choisi ou mal choisi, nous devrions le croire suivant les œuvres de celui qui a été élu : car c'est pour la raison précise que quelqu'un agit selon le bien de l'Église d'une manière pleinement méritoire, qu'il détient cette faculté de Dieu » (26ème erreur de Jean Huss).

 

Ces deux condamnations sont claires et ne nécessitent guère de commentaire...

 

Les sédévacantistes invoquent souvent la Bulle de Paul IV contre la doctrine de l'acceptation pacifique ; or, cette Bulle n'est aucunement en contradiction avec elle :

L'autorité de la doctrine de l'acceptation pacifique

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La doctrine de l'acceptation pacifique est enseignée par le magistère ordinaire universel, c'est-à-dire par l'unanimité morale des théologiens ; donc elle est infaillible. Lorsque tous les manuels de théologie ou presque d'une époque enseignent une doctrine, celle-ci est infaillible ; or, c'est le cas de la doctrine de l'acceptation pacifique, qui est enseignée par :

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Cicognani (Canon Law, 1947) ;

Le cardinal Billot (De Ecclesia Christi, Quaest. XIV Th. 29, § 3) ;

Le Père Smith (Dr Littledale's Theory of the Disappearance of the Papacy, 1896) ;

Le Père Connell (American Ecclesiastical Review, 1965) ;

Ferraris, qui était le lexicographe de l'Église de Rome, donc un théologien de renom ;

Sylvester Joseph Hunter (Outlines of Dogmatic Theology, 1896) ;

Le cardinal Journet (L'Église du Verbe Incarné) ;

Dom Guéranger (L'anné liturgique, Vol XII, p.188)  ;

Ludwig Ott (Fundamentals of Catholic Dogma, 8-9; 299, 1953) ;

Wernz-Vidal (Jus can., II, p. 437, note 170) ;

Saint Alphonse de Liguori (Verità della fede, in Opere…, vol. VIII, p. 720, n° 9).

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Le cardinal Billot, par exemple, était l'un des meilleurs théologiens de son temps ; or, ses propos sont très clairs : l'acceptation pacifique du pape par l'Église universelle PROUVE que toutes les conditions nécessaires à l'élection ont été remplies, infailliblement ; donc la thèse de Mgr Guérard des Lauriers est une hérésie.

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Mais citons quelques-uns des théologiens susmentionnés :

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« Évidemment, nous avons une certitude humaine [quant à la légitimité de l'élu du conclave]. Ce type de certitude exclut toute crainte prudente du contraire [l'illégitimité de l'élu du conclave]. Mais dans le cas du pape, nous avons un plus haut degré de certitude – une certitude qui exclut non seulement la crainte prudente du contraire, mais même la possibilité de la crainte du contraire. En d'autres termes, nous avons une certitude infaillible... C'est un exemple de fait qui n'est pas contenu dans le dépôt de la Révélation, mais qui est si intimement lié à la Révélation qu'il doit être du ressort de l'autorité magistérielle de l'Église de le déclarer infailliblement. L'Église entière, enseignante et croyante, déclare et croit ce fait, et pour cela il s'ensuit que ce fait est infailliblement vrai. Nous l'acceptons de foi ecclésiastique (et non divine), suivant l'autorité de l'Église infaillible » (R.P. Francis Connell, American ecclesiastical Review, 1965).

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« L'inévitable jeu des passions humaines, interférant avec l'élection du Vicaire du Christ, peut probablement rendre incertaine, quelque fois, la transmission du pouvoir spirituel. Mais quand il est prouvé que l'Église, toujours en possession de sa liberté ou la détenant à nouveau, reconnaît comme le vrai Souverain Pontife un pape jusque-là douteux, cette reconnaissance précise est la preuve qu'à partir de ce moment au moins, l'occupant du Siège apostolique est investi par Dieu lui-même » (Abbé Guéranger, O.S.B., L'anné liturgique, Vol XII, p.188).

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« On doit, par exemple, donner pleine adhésion à la proposition suivante : « Pie XII est le légitime successeur de St. Pierre » ; de la même manière (et d'ailleurs si l'aspect suivant est une chose formellement révélée ce sera un dogme de foi) on doit donner pleine adhésion à cette proposition : « Pie XII possède la primauté sur toute l'Église ». Car, sans évoquer la question de savoir à partir de quel moment il est prouvé que cette personne a été légitimement élue pour prendre la place de St. Pierre, lorsque quelqu'un a constamment agit comme pape et a été reconnu comme tel en théorie et en pratique par les évêques et par l'Église universelle, il est clair que le magistère ordinaire et universel donne un témoignage absolument clair de la légitimité de sa succession » (Van Noort, Dogmatic Theology, 1957).

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« D'abord, l'Église est infaillible quand elle déclare quelle personne détient la charge de pape ; car si la personne du pape n'était pas certaine, il y aurait incertitude sur le fait de savoir quels sont les évêques en communion avec lui ; mais selon la foi catholique, comme nous le prouverons, la communion avec le pape est une condition de l'exercice de la fonction d'enseignement par le corps épiscopal (n. 208) ; si donc l'incertitude ne pouvait être éliminée, le pouvoir d'enseignement ne pourrait être exercé, et la promesse du Christ serait contredite, ce qui est impossible [« j'ai prié pour que ta foi ne défaille pas » (Sylvester Joseph Hunter, Outlines of Dogmatic Theology, 1896).

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« Peu importe que, dans les siècles passés, quelque pontife ait été élu de façon illégitime ou ait pris possession du pontificat par fraude ; il suffit qu’il ait été accepté ensuite comme pape par toute l’Église, car de ce fait il est devenu le vrai pontife. Mais, si pendant un certain temps, il n’avait pas été accepté vraiment et universellement par l’Église, pendant ce temps, alors, le siège pontifical aurait été vacant, comme il est vacant à la mort du pape » (Saint Alphonse de Liguori, Verità della fede, in Opere…, vol. VIII, p. 720, n° 9).

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Longues citations du Père Smith :

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« Le principe qui vient d'être énoncé, à savoir que l'Église qui reconnaît un faux pape ne peut être qu'une fausse Église, loin de nous alarmer, nous indique le chemin sûr et facile dans le dédale qui nous est préparé. Il est vrai qu'une Église ayant reconnu un faux pape ne peut être une vraie Église, et pourquoi cela, sinon parce que la vraie Église ne peut reconnaître un faux pape ? Aussi, étant donné que nous savons pour des motifs certains et indépendants quelle est la vraie Église, tout ce qu'il nous reste à faire, c'est de nous interroger quant au pape auquel nous devons obéir, ou quant à un autre pape de l'histoire dont nous nous demandons si la vraie Église le reconnaît ou l'a reconnu ; si ce n'est pas le cas, nous pouvons savoir avec certitude, immédiatement et indépendamment de toute investigation historique détaillée, si le titre par lequel il a accédé au Siège de Pierre est valide ou non. De la même manière, s'il s'avère que la vraie Église s'est entièrement séparée d'un quelconque prétendant à la papauté, cet enseignement aisément acquis nous offre immédiatement la certitude qu'un tel prétendant n'avait pas un titre valide au Siège. Les seuls cas où l'application de ce principe est inutile sont ceux des papes dont les règnes furent si courts que l'Église universelle a difficilement eu le temps de donner des signes évidents d'adhésion ou de rejet, ou ceux des papes dont la vie a été trop courte pour montrer clairement si l'Église les a regardés comme légitimes ou comme des intrus. Mais ces exceptions sont rares et peu importantes ».

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Autres citations : « Il est parfaitement clair que la grande majorité des papes(...), allant non seulement jusqu'au seizième siècle mais jusqu'à nos jours, ont reçu cette loyale adhésion et obéissance de la part de l'Église universelle, que Léon XIII reçoit actuellement, ce qui en soi est un signe si certain de la légitimité de son titre que nous pouvons même faire acte de foi qu'il est le vrai Vicaire de Jésus-Christ. Ce n'est pas une simple théorie, mais c'est la doctrine commune des théologiens catholiques, comme il apparaîtra suffisamment dans le passage qui va suivre, de Ferraris Bibliotheca, ouvrage de la plus haute autorité. Dans son article sur le pape (S.v. Papa, p. 949), Ferraris dit : il est de foi que Benoît XIV, par exemple, légitimement élu et accepté comme tel par l'Église, est le vrai Pape (doctrine commune parmi les catholiques). Cela est prouvé par le Concile de Constance, avec les décrets de la Constitution Inter Cunctos [sur la condamnation de Wyclif et de Jean Huss](...) ».

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« On dira : « Oui, mais [Ferraris] parle seulement d'un pontife canoniquement élu, et comme tel accepté par l'Église ; son autorité ne peut donc être invoquée dans le cas d'une élection dont le caractère canonique est mis en doute ». Toutefois, c'est une objection que Ferraris lui-même anticipe, et il y répond ainsi : par le simple fait que l'Église le reconnaisse comme légitimement élu, Dieu nous révèle la légitimité de son élection, le Christ ayant promis que Son Église ne sombrerait jamais en matière de foi ; or elle errerait dans une telle matière si ce principe était faux, car l'Église, en reconnaissant l'élu comme le vrai pape, le reconnaît comme une règle infaillible de foi ; tandis que [s'il n'était reconnu comme tel], il serait faillible ».

« L'Église ne peut errer lorsqu'elle reconnaît son chef. Elle ne peut pas plus reconnaître un faux chef, ni se séparer du vrai chef. Les motifs de cette affirmation nous ont été indiqués par Ferraris, mais il peut être utile de reprendre ses explications plus en détail. En vertu des promesses fondamentales de Notre-Seigneur, elle [l'Église] détient deux prérogatives : l'indéfectibilité et l'immunité contre l'erreur, ainsi que la présence permanente du Saint-Esprit, qui prévaut sur les mouvements du cœur et de l'esprit, et sur le cours des événements, afin d'assurer la continuité de ces deux prérogatives. Or le pontificat est un élément essentiel de la constitution de l'Église. Par conséquent, si le pontificat sombrait, l'Église perdrait ses caractéristiques essentielles et se révélerait non-indéfectible. Encore une fois, l'Église est préservée de l'erreur religieuse par sa dépendance à la voix infaillible de son Souverain Pasteur. Mais si elle pouvait errer en échouant à distinguer le vrai chef d'un faux, avec pour résultat de reconnaître ce dernier, elle serait désespérément exposée au risque d'errer dans la doctrine religieuse, en la recevant de lèvres fausses et dépourvues d'assistance [divine] ».

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(Dr Littledale's Theory of the Disappearance of the Papacy, 1896)

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